La géographie et la dimension politique du patrimoine
Actuellement, le patrimoine, culturel et naturel, prend de plus en plus de place dans nos sociétés. La société du patrimoine que nous sommes devenus a transformé les usages et les significations du patrimoine de différentes manières. D’une identité nationale, nous passons également aux identités locales ; de la grande cathédrale, nous passons aux objets et aux pratiques de groupes historiquement invisibles. Dans les années 1990, dans L’allégorie du patrimoine, Françoise Choay parlait déjà d’une triple expansion du concept de patrimoine : chronologique, typologique et géographique. Cependant, il y a encore une quatrième expansion, notamment dans les usages et les motivations du processus même de la patrimonialisation. Sa dimension économique est évidente et le patrimoine en tant que ressource économique a déjà reçu beaucoup d’attention de la part des géographes, surtout en raison de son lien avec le tourisme. Nous voulons pour notre part mettre en lumière une autre caractéristique du patrimoine et du processus de patrimonialisation à l’époque actuelle : l’utilisation du patrimoine comme ressource politique.
Différents groupes sociaux commencent à mobiliser des processus de patrimonialisation dans le cadre d’un mouvement de renforcement du pouvoir, soit à la recherche d’une visibilité sociale comme instrument de revendication de droits sociaux, soit à propos du droit à la ville et de l’aménagement du territoire. Les conflits et les débats concernant les projets d’intervention urbaine, dans les pays du Nord comme du Sud, sont l’un de leurs visages les plus évidents, mais pas les seuls. Il ne faut pas non plus négliger les aspects politiques entourant la relation entre patrimoine et tourisme.
De façon analogue, l’utilisation du patrimoine en tant que ressource politique institutionnelle renvoie à la géopolitique de l’UNESCO, avec ses conflits régionaux autour de questions de légitimité et de contrôle, ainsi qu’à la géopolitique interne des États et à la manière dont certains secteurs utilisent les processus de patrimonialisation comme moyens d’acquérir un bénéfice politique, personnel ou institutionnel.
En mettant en lumière la dimension politique du patrimoine, cette proposition vise à définir les différentes contributions possibles de la géographie à ce sujet, contributions qui peuvent provenir de différents domaines de la discipline. Quelles sont les approches géographiques possibles de la relation entre patrimoine et politique ? Dans quels contextes le patrimoine a-t-il été utilisé comme ressource politique ? Quels sont les défis épistémologiques et méthodologiques en géographie pour problématiser la dimension politique du patrimoine ? Telles sont quelques-unes des questions qui visent à guider notre proposition.
Responsables
Rafael Winter Ribeiro, Universidade Federal do Rio de Janeiro & ICOMOS
winter@igeo.ufrj.br
Tereza Paes, Universidade Estadual de Campinas (Unicamp), Brésil
paes.tereza@gmail.com