Santé environnementale en milieu urbain et rural africain
De 100 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions en 1950, 640 millions en 2000 et 1,4 milliard en 2022. Elle atteindrait 2,5 milliards en 2050 (UNHabitat, 2022). Cette explosion démographique du continent s’accompagne de mutations remarquables de ses territoires marqués par une urbanisation rapide (14 % en 1950 ; 40 % en 2018 ; 50 % prévus 2035). Source de grandes opportunités, cette urbanisation est aussi source de défis sanitaires pour les populations. La situation sanitaire des citadins reste critique du fait de l’exposition aux risques de maladies infectieuses majeures (paludisme, maladies diarrhéiques, infections respiratoires) et chroniques (HTA, Diabète, cancers, etc.). Les débats sur la notion de santé ayant renforcé la conviction que ce domaine n’est pas/plus un sujet réservé aux médecins [1], les études qui intègrent les questions sanitaires au contexte géographique deviennent une contribution importante de la recherche pour améliorer l’opérationnalité de l’action. L’un des moyens d’envisager la relation entre la santé et son environnement, pris ici comme contexte géographique, passe par la notion d’espace, c’est-à-dire là où nous vivons, là où se déroule notre vie quotidienne et où nous pratiquons différentes activités. L’espace peut être considéré comme un ensemble de territoires et de lieux où des événements se produisent simultanément, et leurs répercussions se font sentir dans leur intégralité de différentes manières. La reconnaissance de cet ensemble est une étape fondamentale pour la caractérisation de la population et de ses problèmes sanitaires, et pour évaluer l’impact des services de santé dont elle bénéficie. De plus, la santé environnementale occupant un champ de responsabilités à caractères multidisciplinaire et intersectoriel, l’analyse du territoire permet de rassembler de l’information de sources et de disciplines multiples, ainsi que sur l’ensemble des événements qui s’y déroulent. Il se trouve qu’en Afrique, l’état actuel des connaissances ne permet pas de véritablement statuer sur l’importance des liens entre l’environnement et la santé des populations aussi bien rurales qu’urbaines, ce d’autant que l’analyse des liens entre l’environnement et la santé soulève des problèmes conceptuels, méthodologiques, et souffre souvent du manque de données probantes. Dans ce contexte, l’objectif principal de cette session est de faire un état des lieux des besoins de santé des populations en lien avec leur environnement, et d’explorer leurs parcours de soins. Les contributions attendues devront tourner autour des thèmes suivants :
- Réflexions théoriques et défis méthodologiques. Il s’agit ici d’une part de porter un regard l’état des connaissances théoriques sur le thème dans les espaces, territoires et sociétés africaines, et d’autre part de faire un état des lieux des sources de données disponibles et de mettre en évidence les inadéquations entre ce qu’il est possible de faire comme analyses et ce qui est fait, d’identifier les besoins en données pour couvrir les pistes ou champs de recherche inexplorés, de mettre en évidence les défis méthodologiques pour améliorer les connaissances.
- Facteurs de risque environnementaux associés à la morbidité ou à la mortalité. Les propositions de cet axe devront identifier les déterminants clés de la morbidité et/ou de la mortalité en mettant en évidence les leviers politiques, les facteurs environnementaux et les déterminants socioéconomiques permettant d’entrevoir les améliorations.
- Changements climatiques et risques sanitaires. Les effets des changements climatiques entrainent de profonds bouleversements socioéconomiques et environnementaux. Les contributions attendues devront porter sur les questions de variabilité pluviométrique, d’inondation, de sécheresse et les risques de santé associés.
- Pollutions et risques sanitaires. Les villes africaines connaissent des problèmes d’assainissement, de pollution de l’air, de l’eau, des sols, etc. Il est donc question de mettre en lien l’exposition à ces problèmes et la santé des citadins. Par ailleurs, le milieu rural dans de nombreux pays est marqué par des activités comme la déforestation due aux activités et aménagements anthropiques qui exposent les populations rurales à des risques sanitaires de plus en plus accrus. Pourront être abordées les questions de déforestation et vulnérabilité des populations, des activités d’orpaillage et d’extraction minière et risques sanitaires, d’utilisation des pesticides dans les pratiques agricoles et des risques sanitaires encourus ainsi que les divers aménagements et leurs influences sur la santé des populations qui y vivent.
- Politiques/programmes/interventions dans le domaine de la santé environnementale, et adaptation/résilience face aux changements environnementaux. Les propositions devront faire l’état des lieux des politiques, programmes et interventions dans le domaine de la santé environnementale et mettre en évidence leurs limites en termes d’efficacité, d’efficience et de durabilité. Il est attendu que les contributions portent d’une part sur les adaptations/résiliences des communautés rurales face aux changements globaux et à la transformation rapide des campagnes pour anticiper sur les crises actuelles vécues, et d’autre part, sur les actions entreprises en milieu urbain pour faire face aux effets sanitaires des changements environnementaux (logement écologique, habitat durable, occupation planifiée du sol urbain, gestion responsable de l’espace urbain, etc.). Devant la double charge épidémiologique, il est aussi pertinent d’examiner la question de l’offre et d’accès aux services de santé par les populations (rurales et urbaines) exposées aux maladies.
Responsable :
Hénock Blaise Nguendo-Yongsi, IFORD-Université de Yaoundé 2, Cameroun
nguendoyongsi@gmail.com
[1] En 1986, la Charte d’Ottawa produite lors de la première Conférence internationale sur la promotion de la santé au Canada stipule que « la paix, l’éducation, le logement, l’alimentation, le revenu, un écosystème stable, la conservation des ressources, la justice sociale et l’équité sont des exigences fondamentales pour la santé ».